Droit des obligations et des contrats Marocain (Troisième titre)

Titre Troisième : Transport des obligations (articles 189 à 227)

Chapitre Premier : Du transport en Général (articles 189 à 208)

Article 189 :Le transport des droits et créances du créancier primitif à une autre personne peut avoir lieu, soit en vertu de la loi, soit en vertu d'une convention entre les parties.

Article 190 :Le transport peut avoir pour objet des droits ou créances dont le droit n'est pas échu ; il ne peut avoir pour objet des droits éventuels.

Article 191 :La cession est nulle :

1° Lorsque la créance ou le droit ne peut être cédé, en vertu de son titre constitutif ou de la loi ;

2° Lorsqu'elle a pour objet des droits qui ont un caractère purement personnel, tels que le droit de jouissance du dévolutaire d'un habous ;

3° Lorsque la créance ne peut former objet de saisie ou d'opposition; cependant, lorsque la créance est susceptible d'être saisie à concurrence d'une partie ou valeur déterminée, la cession est valable dans la même proportion.

Article 192 :Est nul le transfert d'un droit litigieux, à moins qu'il n'ait lieu avec l'assentiment du débiteur cédé.

Le droit est litigieux, au sens du présent article : lorsqu'il y a litige sur le fond même du droit ou de la créance au moment de la vente ou cession, ou bien lorsqu'il existe des circonstances de nature à faire prévoir des contestations judiciaires sérieuses sur le fond même du droit.

Article 193 :Est nulle la cession à titre onéreux ou gratuit, lors qu'elle n'a d'autre but que de soustraire le débiteur à ses juges naturels et de l'attirer devant une juridiction qui n'est pas la sienne d'après la nationalité de la partie en cause.

Article 194 :La cession contractuelle d'une créance, ou d'un droit, ou d'une action est parfaite par le consentement des parties, et le cessionnaire est substitué de droit au cédant, à partir de ce moment.

Article 195 :Le cessionnaire n'est saisi à l'égard du débiteur et des tiers que par la signification du transport faite au débiteur, ou par l'acceptation du transport faite par ce dernier dans un acte ayant date certaine, sauf le cas prévu à l'article 209 ci-dessous.

Article 196 :La cession des baux ou loyers d'immeubles ou autres objets susceptibles d'hypothèque, ou des rentes périodiques constituées sur ces objets, n'a d'effet à l'égard des tiers que si elle est constatée par écrit ayant date certaine, lorsqu'elle est faite pour une période excédant une année.

Article 197 :Entre deux cessionnaires de la même créance, celui qui a le premier notifié la cession au débiteur cédé doit être préféré, encore que sa cession soit postérieure en date.

Article 198 :Si, avant que le cédant ou le cessionnaire eût signifié le transport au débiteur, celui-ci avait payé le cédant, ou avait autrement éteint la dette, d'accord avec ce dernier, il serait valablement libéré, s'il n'y a dol ou faute lourde de sa part.

Article 199 :Le cédant doit remettre au cessionnaire un titre établissant la cession, et lui fournir, avec le titre de créance, les moyens de preuve et les renseignements dont il dispose et qui sont nécessaires pour l'exercice des droits cédés. Il est tenu, si le cessionnaire le requiert, de fournir à ce dernier un titre authentique établissant la cession ; les frais de ce titre seront à la charge du cessionnaire.

Article 200 :La cession d'une créance comprend les accessoires qui font partie intégrante de la créance, tels que les privilèges, à l'exception de ceux qui sont personnels au cédant. Elle ne comprend les gages, hypothèques et cautions que s'il y a stipulation expresse. Elle comprend également les actions en nullité ou en rescision qui appartenaient au cédant. Elle est présumée comprendre aussi les intérêts échus et non payés, sauf stipulation ou usage contraire : cette dernière disposition n'a pas lieu entre musulmans.

La caution ou sûreté ne peut être cédée sans l'obligation.

Article 201 :Lorsque la cession comprend aussi le gage, le cessionnaire est substitué, dès la délivrance du gage entre ses mains, à toutes les obligations de son cédant envers le débiteur, en ce qui concerne la garde et la conservation de ce gage.

En cas d'inexécution de ces obligations, le cédant et le cessionnaire répondent solidairement envers le débiteur.

Cette règle n'a pas lieu, lorsque la cession s'opère en vertu de la loi ou d'un jugement; dans ce cas, le cessionnaire répond seul du gage envers le débiteur.

Article 202 :La vente ou cession d'une créance ou d'un droit comprend les charges ou obligations dont la créance ou le droit est grevé, s'il n'y a stipulation contraire.

Article 203 :Celui qui cède à titre onéreux une créance ou autre droit incorporel doit garantir :

1° Sa qualité de créancier ou d'ayant droit ;

2° L'existence de la créance ou du droit au temps de la cession;

3° Son droit d'en disposer;

Le tout, quoique la cession soit faite sans garantie.

Il garantit également l'existence des accessoires, tels que les privilèges et les autres droits qui étaient attachés à la créance ou au droit cédé au moment de la cession, à moins qu'ils n'aient été expressément exceptés.

Celui qui cède à titre gratuit ne garantit même pas l'existence de la créance ou du droit cédé, mais il répond des suites de son dol.

Article 204 :Le cédant ne garantit la solvabilité du débiteur que lorsqu'il a cédé une créance contre un débiteur qui n'était déjà plus solvable au moment de la cession. Cette garantie comprend le prix qu'il a touché pour la cession et les frais de poursuites que le cessionnaire a dû faire contre le débiteur, sans préjudice de plus amples dommages, en cas de dol du cédant.

Article 205 :Le créancier qui s'est engagé à garantir la solvabilité du débiteur cesse d'être tenu de cette garantie :

1° Si le défaut de payement provient, soit du fait, soit de la négligence du cessionnaire, par exemple, s'il avait négligé de prendre les mesures nécessaires pour recouvrer la dette ;

2° Si le cessionnaire a accordé au débiteur une prorogation de terme après l'échéance de la dette.

Cette garantie est régie, au demeurant, par des dispositions spéciales, insérées au chapitre De la vente.

Article 206 :En cas de cession partielle d'une créance, le cédant et le cessionnaire concourent également au marc le franc de leurs parts dans l'exercice des actions résultant de la créance cédée. Le cessionnaire a toutefois le droit de priorité :

1° Lorsqu'il l'a stipulé expressément ;

2° Lorsque le cédant a garanti la solvabilité du débiteur cédé, ou s'est engagé à payer à défaut de ce dernier.

Article 207 :Le débiteur peut opposer au cessionnaire toutes les dispositions qu'il aurait pu opposer au cédant, si elles étaient déjà fondées au moment de la cession ou de la signification.

Il ne peut opposer l'exception de simulation, ni les contre-lettres et traités secrets échangés entre lui et le cédant, lorsque ces conventions ne résultent pas du titre constitutif de l'obligation, et que le cessionnaire n'en a pas obtenu connaissance.

Article 208 :Le transfert des lettres de change, des titres à ordre et au porteur est régi par des dispositions spéciales.

 Chapitre Deuxième : Du transfert d'un ensemble de droits ou d'un patrimoine (articles 209 à 210)


Article 209 :Celui qui cède une hérédité n'est tenu de garantir que sa qualité d'héritier. Cette cession n'est valable que si les deux parties connaissent la valeur de l'hérédité.

Par l'effet de cette cession, les droits et obligations dépendant de l'hérédité passent de plein droit au cessionnaire.

Article 210 :Dans tous les cas de cession d'un fonds de commerce, d'une hérédité ou d'un patrimoine, les créanciers du fonds de commerce, de l'hérédité ou du patrimoine cédé peuvent, à partir de la cession, exercer leurs actions telles que de droit contre le précédent débiteur et contre le cessionnaire conjointement, à moins qu'ils n'aient consenti formellement à la cession.

L'acquéreur ne répond toutefois qu'à concurrence des forces du patrimoine à lui cédé, tel qu'il résulte de l'inventaire de l'hérédité. Cette responsabilité du cessionnaire ne peut être restreinte ni écartée par des conventions passées entre lui et le précédent débiteur.


 Chapitre Troisième : De la subrogation (articles  211 à 216) .


Article 211 :La subrogation aux droits du créancier peut avoir lieu, soit en vertu d'une convention, soit en vertu de la loi.

Article 212 :La subrogation conventionnelle a lieu, lorsque le créancier, recevant le payement d'un tiers, le subroge aux droits, actions, privilèges ou hypothèques qu'il a contre le débiteur ; cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le payement.

Article 213 :La subrogation conventionnelle a lieu également, lorsque le débiteur emprunte la chose ou la somme qui fait l'objet de l'obligation afin d'éteindre sa dette, et subroge le prêteur dans les garanties affectées au créancier. Cette subrogation s'opère sans le consentement du créancier, et au refus de celui-ci de recevoir le payement, moyennant la consignation valablement faite par le débiteur.

Il faut, pour que cette subrogation soit valable :

1° Que l'acte d'emprunt et la quittance soient constatés par acte ayant date certaine ;

2° Que, dans l'acte d'emprunt, il soit déclaré que la somme ou la chose a été empruntée pour faire le payement, et que, dans la quittance, il soit déclaré que le payement a été fait des deniers ou de la chose fournie à cet effet par le nouveau créancier; en cas de consignation, ces énonciations doivent être portées sur la quittance délivrée par le receveur des consignations ;
3° Que le débiteur ait subrogé expressément le nouveau créancier dans les garanties affectées à l'ancienne créance.

Article 214 :La subrogation a lieu, de droit, dans les cas suivants :

1° Au profit du créancier, soit hypothécaire ou gagiste, soit chirographaire, remboursant un autre créancier, même postérieur en date, qui lui est préférable à raison de ses privilèges, de ses hypothèques ou de son gage ;

2° Au profit de l'acquéreur d'un immeuble, jusqu'à concurrence du prix de son acquisition, lorsque ce prix a servi à payer des créanciers auxquels cet immeuble était hypothéqué ;

3° Au profit de celui qui a payé une dette dont il était tenu avec le débiteur, ou pour lui, comme débiteur solidaire, caution, cofidéjusseur, commissionnaire ;

4° Au profit de celui qui, sans être tenu personnellement de la dette, avait intérêt à son extinction et, par exemple, en faveur de celui qui a fourni le gage ou l'hypothèque.

Article 215 :La subrogation établie aux articles précédents a lieu tant contre les cautions que contre le débiteur. Le créancier qui a été payé en partie, et le tiers qui l'a payé, concourent ensemble dans l'exercice de leurs droits contre le débiteur, à proportion de ce qui est dû à chacun.

Article 216 :La subrogation est régie, quant à ses effets, par les principes établis aux articles 100, 1933 à 196 et 203 ci-dessus.

Chapitre Quatrième : De la délégation (articles 217 à 227)


Article 217 :La délégation est l'acte par lequel un créancier ; transmet ses droits sur le débiteur à un autre créancier, en payement de ce qu'il doit lui-même à ce dernier ; il y a aussi délégation dans l'acte de celui qui charge un tiers de payer pour lui, encore que ce tiers ne soit pas débiteur de celui qui lui donne mandat de payer.

Article 218 :La délégation ne se présume pas ; elle doit être expresse. Les personnes qui n'ont pas la capacité d'aliéner ne peuvent déléguer.

Article 219 :La délégation est parfaite par le consentement du déléguant et du délégataire, même à l'insu du débiteur délégué. Néanmoins, lorsqu'il existe des causes d'inimitié entre le délégataire et le débiteur délégué, l'assentiment de ce dernier est requis pour la validité de la délégation, et le débiteur demeure libre de le refuser.

Article 220 :La délégation n'est valable :

1° Que si la dette déléguée est juridiquement valable.

2° Que si la dette à la charge du créancier déléguant est également valable.

Des droits aléatoires ne peuvent être délégués.

Article 221 :Il n'est pas nécessaire pour la validité de la délégation que les deux dettes soient égales quant à la quotité, ni qu'elles aient une cause analogue.

Article 222 :Le débiteur délégué peut opposer au nouveau créancier tous les moyens et exceptions qu'il aurait pu opposer au créancier déléguant, même celles qui sont personnelles à ce dernier.

Article 223 :La délégation valable libère le déléguant, sauf stipulation contraire et les cas énumérés en l'article suivant.

Article 224 :La délégation ne libère point le déléguant, et le délégataire a recours contre lui pour le montant de sa créance et des accessoires :

1° Lorsque l'obligation déléguée est déclarée inexistante ou est résolue, pour l'une des causes de nullité ou de résolution établies par la loi ;

2° Dans le cas prévu à l'article 354 ;

3° Lorsque le débiteur délégué démontre qu'il s'est déjà libéré avant d'avoir eu connaissance de la délégation. Le débiteur délégué, qui a payé le déléguant après avoir eu connaissance de la délégation, demeure responsable envers le délégataire, sauf la répétition de ce qu'il a payé au déléguant.

Article 225 :Les règles établies aux articles 193, 197, 198, 200, 201, 202, 204 s'appliquent à la délégation.

Article 226 :Lorsque la délégation est faite à deux personnes sur le même débiteur, celui dont le titre a une date antérieure précède l'autre. Lorsque les deux délégations sont datées du même jour et qu'on ne peut établir l'heure à laquelle chacune d'elles a été donnée, on partage la somme entre les deux créanciers, chacun à proportion de la créance.

Article 227 :Le délégué qui a payé a recours contre le déléguant à concurrence de la somme qu'il a payée, d'après les règles du mandat, s'il n'était pas débiteur du déléguant.

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