Droit des obligations et des contrats Marocain (Septième titre)

Titre Septième : De la preuve des obligations et de celle de la libération (articles 399 à 477).

Chapitre Premier : Dispositions générales (articles 399 à 460)

Article 399 :La preuve de l'obligation doit être faite par celui qui s'en prévaut.

Article 400 :Lorsque le demandeur a prouvé l'existence de l'obligation, celui qui affirme qu'elle est éteinte ou qu'elle ne lui est pas opposable doit le prouver.

Article 401 :Aucune forme spéciale n'est requise pour la preuve des obligations, si ce n'est dans les cas où la loi prescrit une forme déterminée.

Lorsque la loi prescrit une forme déterminée, la preuve de l'obligation ou de l'acte ne peut être faite d'aucune autre manière, sauf dans les cas spécialement exceptés par la loi.

Lorsque la loi prescrit la forme écrite pour un contrat, la même forme est censée requise pour toutes les modifications de ce même contrat.

Article 402 :Lorsque, dans un contrat non soumis à une forme particulière, les parties sont expressément convenues de ne tenir la convention comme définitive que lorsqu'elle aura été passée en une forme déterminée, l'obligation n'existe que si elle a revêtu la forme établie par les parties.

Article 403 :La preuve de l'obligation ne peut être faite :

1° Lorsqu'elle tendrait à établir l'existence d'une obligation illicite ou pour laquelle la loi n'accorde aucune action ;

2° Lorsqu'elle tendrait à établir des faits non concluants.

Article 404 :Les moyens de preuve reconnus par la loi sont :

1° L'aveu de la partie ;

2° La preuve littérale ou écrite ;

3° La preuve testimoniale ;

4° La présomption ;

5° Le serment et le refus de le prêter.

Section Première : De l'aveu de la partie (articles 405 à 415)

Article 405 :L'aveu est judiciaire ou extrajudiciaire. L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant, à ce spécialement autorisé. L'aveu fait devant un juge incompétent, ou émis au cours d'une autre instance, a les effets de l'aveu judiciaire.

Article 406 :L'aveu judiciaire peut résulter du silence de la partie, lorsque, formellement invitée par le juge à s'expliquer sur la demande qui lui est opposée, elle persiste à ne pas répondre, et ne demande pas de délai pour ce faire.

Article 407 :L'aveu extrajudiciaire est celui que la partie ne fait pas devant le juge. Il peut résulter de tout fait qui est incompatible avec le droit que l'on réclame.

La simple demande de transaction sur une réclamation ne constitue pas aveu quant au fond du droit ; mais celui qui accepte une libération ou remise sur le fonds du droit est présumé avouer.

Article 408 :L'aveu doit être fait en faveur d'une personne capable de posséder, soit qu'il s'agisse d'un individu, d'une classe déterminée ou d'une personne morale ; l'objet doit en être déterminé ou susceptible de détermination.

Article 409 :L'aveu doit être libre et éclairé ; les causes qui vicient le consentement vicient l'aveu.

Article 410 :L'aveu judiciaire fait pleine foi contre son auteur et contre ses héritiers et ayants cause; il n'a d'effet contre les tiers que dans les cas exprimés par la loi.

Article 411 :L'aveu d'un héritier ne fait pas foi contre les autres cohéritiers ; il n'oblige l'héritier que pour sa part et jusqu'à concurrence de sa part contributive.

Article 412 :Le mandat, donné par la partie à son représentant d'avouer une obligation fait pleine foi contre son auteur, même avant la déclaration du mandataire.

Article 413 :L'aveu extrajudiciaire ne peut être prouvé par témoins, toutes les fois qu'il s'agit d'une obligation pour laquelle la loi exige preuve par écrit.

Article 414 :L'aveu ne peut être divisé contre celui qui l'a fait lorsqu'il constitue la seule preuve contre lui. Il peut être divisé :

1° Lorsque l'un des faits est prouvé indépendamment de l'aveu

2° Lorsque l'aveu porte sur des faits distincts et séparés ;

3° Lorsqu'une partie de l'aveu est reconnue fausse.

L'aveu ne peut être révoqué, à moins qu'on ne justifie qu'il été déterminé par une erreur matérielle.

L'erreur de droit ne suffit point pour autoriser la révocation d'un aveu, à moins qu'elle ne soit excusable, ou causée par le dole de l'autre partie.

L'aveu ne peut être révoqué, alors même que la partie adverse n'en aurait pas pris acte.

Article 415 :L'aveu ne peut faire foi :

1° Lorsqu'il énonce un fait physiquement impossible, ou dont le contraire est démontré par des preuves irrécusables ;

2° Lorsque celui en faveur duquel il est fait y contredit formellement ;

3° Lorsqu'il tend à établir une obligation ou un fait contraire la loi ou aux bonnes moeurs, ou pour lequel la loi n'accorde aucune action, ou à éluder une disposition positive de la loi ;

4° Lorsqu'une chose jugée est intervenue établissant le contraire de ce qui résulte de l'aveu.

Section Troisième : De la preuve testimoniale (articles 443 à 448)

 Article 443 :Les conventions ou autres faits juridiques ayant pour but de créer, de transférer, de modifier ou d'éteindre des obligations ou des droits, et excédant la somme ou la valeur de 150 francs, ne peuvent être prouvés par témoins ; il doit en être passé acte devant notaires ou sous seing privé.

Article 444 :Il n'est reçu entre les parties aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, et encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur inférieure à 150 francs.

Cette règle reçoit exception au cas où il s'agit de prouver des faits de nature à établir le sens des clauses obscures ou ambiguës d'un acte, à en déterminer la portée ou à en constater l'exécution.

Article 445 :Celui qui a formé une demande excédant 150 francs ne peut plus être admis à la preuve testimoniale, même en restreignant sa demande primitive, s'il ne justifie que cette demande a été majorée par erreur.

Article 446 :La preuve testimoniale sur la demande d'une somme même moindre de 150 francs ne peut être admise, lorsque cette somme est déclarée faire partie d'une créance plus forte qui n'est point prouvée par écrit.

Article 447 :Les règles ci-dessus reçoivent exception, lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout écrit qui rend vraisemblable le fait allégué, et qui est émané de celui auquel on l'oppose, de son auteur, on de celui qui le représente.

Est réputé émané de la partie tout acte dressé à sa requête par un officier public compétent, dans la forme voulue pour faire foi, ainsi que les dires des parties consignés dans un acte ou décision judiciaire réguliers en la forme.

Article 448 :La preuve testimoniale est recevable, par exception aux dispositions ci-dessus :

1° Toutes les fois que la partie a perdu le titre qui constituait la preuve littérale de l'obligation ou de la libération en conséquence d'un cas fortuit, d'une force majeure, d'une soustraction frauduleuse le cas des billets de banques et des titres au porteur est soumis à des règles spéciales ;

2° Lorsqu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale de l'obligation ; tel est le cas des obligations provenant des quasi-contrats et des délits ou quasi-délits et celui où il s'agit d'établir une erreur matérielle commise dans la rédaction de l'acte, ou des faits de violence, simulation, fraude ou vol dont l'acte est entaché, ou bien, entre commerçants, dans les affaires où il n'est pas d'usage d'exiger des preuves écrites.

L'appréciation des cas où il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve écrite est remise à la prudence du juge. 

Section Quatrième : Des présomptions (articles 449 et 459)


Article 449 :Les présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou le juge établit l'existence de certains faits inconnus.

§ 1 : Des présomptions établies par la loi.

Article 450 :La présomption légale est celle qui est attachée par la loi à certains actes ou à certains faits. Tels sont :

1° Les actes que la loi déclare nuls d'après leurs seules qualités comme présumés faits en fraude de ses dispositions ;

2° Les cas dans lesquels la loi déclare que l'obligation ou la libération résulte de certaines circonstances déterminées, tels que la prescription ;

3° L'autorité que la loi attribue à la chose jugée.

Article 451 :L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'au dispositif du jugement et n'a lieu qu'à l'égard de ce qui en fait l'objet ou de ce qui en est une conséquence nécessaire et directe.
Il faut :

1° Que la chose demandée soit la même ;

2° Que la demande soit fondée sur la même cause ;

3° Que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Sont considérés comme parties les héritiers et ayants cause des parties qui ont figuré à l'instance, lorsqu'ils exercent les droits de leurs auteurs, sauf le cas de dol et de collusion.

Article 452 :L'exception de la chose jugée doit être opposée par la partie qui a intérêt à l'invoquer; elle ne peut être suppléée d'office par le juge.

Article 453 :La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.

Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi


§ 2 : Des présomptions qui ne sont pas établies par la loi


Article 454 :Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont remises à la prudence du juge; il ne doit admettre que des présomptions graves et précises ou bien nombreuses et concordantes ; la preuve contraire est de droit, et elle peut être faite par tous moyens.

Article 455 :Les présomptions même graves, précises et concordantes, ne sont admises que si elles sont confirmées par serment de la partie qui les invoque, si le juge le croit nécessaire.

Article 456 :Celui qui possède de bonne foi une chose mobilière ou un ensemble de meubles est présumé avoir acquis cette chose régulièrement et d'une manière valable, sauf à celui qui allègue le contraire à le prouver.

N'est pas présumé de bonne foi celui qui savait ou devait savoir, au moment où il a reçu la chose, que celui dont il l'a reçue n'avait pas le droit d'en disposer.

Article 457 :Entre deux parties qui sont également de bonne foi, celle qui est en possession doit être préférée, si elle était de bonne foi au moment où elle a acquis la possession, et encore que son titre soit postérieur en date.

Article 458 :A défaut de possession et à égalité de titres, celui dont le titre a une date antérieure doit être préféré.

Lorsque le titre de l'une des parties n'a pas une date certaine, on préfère celle dont le titre a une date certaine.

Article 459 :Lorsque les choses sont représentées par des certificats de dépôt, des lettres de voiture ou autres titres analogues, celui qui a la possession des choses est préféré à celui qui est nanti du titre, si les deux parties étaient également de bonne foi au moment où elles ont acquis la possession. 

 Section Cinquième : Du serment (article 460)  

Article 460 :Les règles relatives au serment sont établies par notre dahir sur la procédure civile devant les juridictions françaises établies dans le Protectorat français du Maroc.

Chapitre Deuxième : De l'interprétation des conventions et de quelques règles générales de droit (articles 461 à 477)


Section Première : De l'interprétation des conventions (articles 461 à 473) 
Article 461 :Lorsque les termes de l'acte sont formels, il n'y a pas lieu à rechercher quelle a été la volonté de son auteur. 

Article 462 :Il y a lieu à interprétation :

1° Lorsque les termes employés ne sont pas conciliables avec le but évident qu'on a eu en vue en rédigeant l'acte ;

2° Lorsque les termes employés ne sont pas clairs par eux-mêmes, ou expriment incomplètement la volonté de leur auteur ;

3° Lorsque l'incertitude résulte du rapprochement des différentes clauses de l'acte, qui fait naître des doutes sur la portée de ces clauses.

Lorsqu'il y a lieu à interprétation, on doit rechercher quelle a été la volonté des parties, sans s'arrêter au sens littéral des termes ou à la construction des phrases.

Article 463 :Ou doit suppléer les clauses qui sont d'usage dans le lieu où l'acte a été fait ou qui résultent de sa nature.

Article 464 :Les clauses des actes doivent être interprétées les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ; lorsque les clauses sont inconciliables entre elles, on s'en tient à la dernière dans l'ordre de l'écriture.

Article 465 :Lorsqu'une expression ou une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en aurait aucun.

Article 466 :Les termes employés doivent être entendus selon leur sens propre et leur acception usuelle dans le lieu où l'acte a été fait, à moins qu'il ne soit justifié qu'on a voulu les employer dans une acception particulière. Lorsqu'un mot a une acception technique usuelle, c'est dans cette signification qu'on est censé l'avoir employé.

Article 467 :Les renonciations à un droit doivent être entendues strictement et n'ont jamais que la portée qui résulte évidemment des termes employés par leur auteur, et ne peuvent être étendues au moyen de l'interprétation. Les actes dont le sens est douteux ne peuvent servir de fondement pour en induire la renonciation.

Article 468 :Lorsque deux actions sont ouvertes à une personne à raison de la même cause, le choix de l'une de ces actions ne saurait être considérée comme une renonciation à l'autre.

Article 469 :Lorsque, dans un acte, on a exprimé un cas pour l'application de l'obligation, on n'est pas censé avoir voulu par là restreindre l'étendue que l'engagement reçoit de droit aux cas non exprimés.

Article 470 :Lorsque, dans une obligation, la somme, mesure ou quantité, est indiquée approximativement par les mots : " environ, à peu près " et autres équivalents, il faut entendre la tolérance admise par l'usage du commerce ou du lieu.

Article 471 :Lorsque la somme ou quantité est écrite en toutes lettres et en chiffres, il faut, en cas de différence, s'en tenir à la somme écrite en toutes lettres, si l'on ne prouve avec précision de quel côté est l'erreur.

Article 472 :Lorsque la somme ou quantité est écrite plusieurs fois en toutes lettres, l'acte vaut, en cas de différence, pour la somme ou quantité la moins forte, si l'on ne prouve avec précision de quel côté est l'erreur.

Article 473 :Dans le doute, l'obligation s'interprète dans le sens le plus favorable à l'obligé.

Section Deuxième : De quelques règles générales de droit  (articles 474 à 477)
Article 474 :Les lois ne sont abrogées que par des lois postérieures, lorsque celles-ci l'expriment formellement, ou lorsque la nouvelle loi est incompatible avec la loi antérieure, ou qu'elle règle toute la matière réglée par cette dernière.

Article 475 :La coutume et l'usage ne sauraient prévaloir contre la loi, lorsqu'elle est formelle.

Article 476 :Celui qui invoque l'usage doit en justifier l'existence ; l'usage ne peut être invoqué que s'il est général ou dominant et s'il n'a rien de contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs.

Article 477 :La bonne foi se présume toujours, tant que le contraire n'est pas prouvé. 

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